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Mady's Chronicles

23 mai 2012

Numéro maudit...

Une rue sombre. Une nuit profonde. Ce soir, la lune est éteinte. Une ballade que nous faisons. Un choix soudain. Une vie qui change. Deux vies qui changent. Une troisième en cours. Un accident de moto, plus que deux.

Aujourd’hui, j’ai 17 ans. Super ! Plus qu’un an avant la majorité ! Un an avant le permis de conduire. Un an avant d’être considérée comme une adulte. Douze mois. Je suis en première littéraire. J’ai repiqué. Eh oui ! Je ne suis pas à rentrer dans la case des intellos de service ! Je suis plutôt artiste. Mon portable sonne. Ça, c’est un numéro que je n’aime pas regarder ! C’est encore des mauvaises nouvelles ! Quand la vie me sourira-t-elle un peu ? J’explose. Je n’ai pas envi de décrocher pour l’entendre. Numéro de malheur ! À quand les bonnes nouvelles ? Ma lueur d’espoir me fait décrocher. Il a suffit de trois mots. Trois simples mots. Trois mots d’horreurs ! Trois mots qui vous plongent dans un gouffre obscur dont vous ne savez pas si vous allez vous en sortir. Trois mots qui vous déchirent le cœur. Ces trois mots que je n’arrive pas à répéter. Trois mots, le désespoir, la haine, l’impuissance « Elle est morte ! ». Je me suis effondrée. À genou dans la rue, je ne vois rien, je n’entends rien. Je me fiche de tout. Je crois que quelqu’un m’a demandé si ça allait… Comment pourrais-je aller mieux maintenant ? Une partie de moi est morte avec elle. Les images défilent devant mes yeux. Je ne me rends plus compte de rien. Je ne peux plus me relever. Pourquoi mon Dieu ? J’avais demandé tout sauf elle. J’étais prête à tout sauf à ça. Numéro maudit !

Quelques mois plus tard…

J’ai changé de style. Passant du style plutôt moderne de la fille qui sait s’habiller avec goût au style jeun’s cool : jeans, chemise, cheveux en bordel, coupés à la garçonne. Je n’arrive plus à me regarder dans une glace. J’ai perdu plusieurs kilos. Ma vie ne sert plus à rien. Tous les matin et tous les soirs, je passe devant cet endroit où j’ai appris la nouvelle. Mes amis ne me reconnaissent plus. Je ne veux d’ailleurs plus les voir. Ils ne comprennent pas. Ils ne peuvent pas comprendre ! Les larmes ne coulent plus depuis longtemps. La douleur va bien au delà. Je veux être seule ! Je m’enferme dans ma chambre. J’ai 17 ans, ma jeunesse est morte et ma vie est finie depuis quelques mois. Lentement, cette nouvelle me rongeait. Je ne pouvais plus vivre sans elle. Bien sûr, mon corps continuait à vivre, à suivre les cours, à bouger, mais mon esprit n’y était pas. Je me dégradais, je n’avais plus d’appétit. Je sortais pour me droguer. Je me droguais à l’adrénaline. J’essayais de sentir mon corps, mais rien n’y faisait. Comme si je ne l’habitais plus. Et mon enfer ne faisait que commencer. Mon père voyait mon état se dégrader, mais il savait qu’il ne pourrait rien y faire. Il était impuissant. Il me sortait, me promenait comme on s’occupe d’un enfant. Il savait que c’était dur, je voulais la retrouver ! Il vivait pour moi. Mes frères et sœurs perdaient également espoir, ils acceptaient ma lente agonie. Je rêvais de suicide et de liberté. Je rêvais de la Mort qui me souriait et qui, cependant, me laissait vivre. Ce n’était pas mon heure. Je devais encore patienter.

Mon frère me présentait des garçons, comme si j’allais m’en sortir ! Je ne pouvais pas les empêcher d’espérer. Le plus souvent, je partais me promener en pleine campagne. Mon père me suivait partout. Il avait peur. Je n’arrivais plus à dormir. À chaque fois que je fermais les yeux, leurs visages s’imposaient à moi. Tous les jours je les voyais. Mon père s’inquiétait tellement qu’il en tomba malade. Le jour de mon bac de français, ce même numéro sur mon portable. Non ! Ça ne pouvait pas recommencer ! Pas une troisième fois ! J’écoutais le répondeur, mon père venait de faire une attaque. Trop de stress. Il était surmené. Heureusement que mon frère était rentré plus tôt de son travail… Il l’avait trouvé inerte dans le salon. En sortant de mon examen, direction l’hôpital. Je le connaissais tellement, trop même, à force d’y avoir traîné mon désespoir. Trop de souvenirs. C’est accompagné de ces souvenirs que je rentrais dans la chambre de mon père. Il me souriait. Il est si gentil ! Il avait l’air si… pâle ! Cette vision de lui me secoua. C’est à cet instant que je me rendis compte de tous les kilos perdus. Si je ne me battais pas pour moi, il fallait au moins que je me batte pour lui. Aussi dur que cela fut, il était impératif que je me réveille. Que je me relève ! Je devais penser à autre chose. L’oublier ? Non ! Ça, je ne pourrais jamais m’y résoudre !

Mon père sortit de l’hôpital le jour de mon oral de français. J’étais résolue à appeler certains de mes anciens amis durant les vacances. Beaucoup furent présents. Je n’avais pas pour habitude de demander de l’aide, mais là, c’était indispensable. Il fallait que je m’en sorte ! La vie n’est pas facile, mais il faut avancer et se battre continuellement. Je passais en Term. Toujours ce vide et cette boule au fond du ventre.

Première journée de cours. J’avais passé un assez bon été. Le mieux que j’ai pu faire. Dans la promo, nous étions autant de filles que de garçons.

Petit à petit, leurs visages s’estompaient dans ma mémoire. J’avais si peur de les oublier. J’en avais parlé à un diner de famille. Ils comprenaient ma peur et ma douleur. Ils me soutenaient qu’ils étaient sans doute au Paradis maintenant. Comment imaginer ce petit être si fragile face à toutes ces âmes, face à cette immense espace ?! Elle a du se sentir si seule. J’aurais du être là pour l’aider. Mais aujourd’hui, je devais avancer. Je me mettais à fond dans mon travail. Je ne me rendais pas forcément compte de ceux qui m’entouraient. Je sortais de temps en temps avec mes amis, mais ça m’était de plus en plus difficile. Sur leur visage, je lisais la compassion, la pitié, l’incompréhension, la crainte, la gêne… Ils ne savaient pas comment m’aider. Petit à petit, je cessais de les voir et rencontrais de nouvelles personnes. Mon frère continuait toujours son manège de présentation de célibataires. Il se transformait en agence matrimoniale pour moi. C’en était pittoresque. Ça me faisait beaucoup rire et il en était content. Un de ses amis revenait souvent. Je m’amusais bien avec lui. Et mon frère devenait insistant. Mais je ne pouvais pas. C’était trop dur. Mais de plus en plus, elle hantait mes nuits avec son père et ils devenaient engageants dans cette relation encore inexistante. Son père avait été tué dans un accident de moto. Cet homme avec lequel j’avais été si heureuse. Elle souhaitait que je retrouve le bonheur. Quand je repense à lui, c’est avec beaucoup de nostalgie. Il me manque. Et je m’en voulais tellement de sa mort ! Il avait juste envi de venir voir sa fille bouger dans mon ventre, une dernière fois avant sa venue au monde. J’espérais qu’il avait été présent pour accueillir notre fille. J’espérais qu’il soit encore à ses côtés. Je vous rejoindrais bientôt, j’en suis sûre. J’ai essayé, mais je n’arrive pas à vivre sans vous ! Quel est le dessein qui m’est destiné avec vos deux morts ? Car le tout n’est ni dans le pouvoir, ni dans le vouloir, mais dans l’envi. Et je n’ai pas envi de vivre sans vous.

Aujourd’hui, j’ai 18 ans, il y a un an, j’apprenais la mort de mon amant et de ma fille prématurée.

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  • Pourquoi ? La réponse est évidente non ? J’aime les mots, je respire les mots, je mange les mots. Les mots, c’est ma vie, mon être intérieur, ce qui me forme et ce qui forge mes pensées. Même si parfois les mots manquent pour s'exprimer...
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